Crownstein #0
Avide d'expériences nouvelles en JDR, j'ai rarement pris le temps de les documenter pour la postérité. Une récente rencontre, intéressée par mes propos alambiqués, m'a soufflé l'idée de blogger ce nouveau projet.
Aloralonzyyy, quooi.
Kokothérapie, épisode 666
Le JDR conventionnel m'ennuie de plus en plus. 1 meneur, 4 joueurs, 4h de temps et toujours la même bouillasse : une histoire à propos d'être les gentils, mais paradoxalement les plus cruels de l'univers, des tirades longues comme le bras, des fausses larmes, de la "rigoulade" de rôliste où on s'échange des gifs de Kaamelot dans le chat de Discord... toutes les parties se ressemblent. En même temps ça fait presque 20 ans que je joue.
- Jouer en présentiel? De temps à autres, mais j'aime le confort de jouer en ligne, d'être en calebar' devant mon PC à 22h un soir d'été à m'inventer une vie.
- Jouer sans/tous MJ? Fait. C'est sympa, sans plus.
- Jouer solo? Chiant comme la mort, j'sais pas comment vous faites.
- Tester un autre jeu? Après Stars Without Number, Torchbearer, Apocalypse World, LANCER, Blades in the Dark, Fiasco, Ironsworn, D&D, B/X, Macchiato Monsters, Shinobigami, le jeu maison éclaté du gusse d'à côté, mon jeu maison éclatax tout pareil, Mutant Year Zero et probablement encore une 50aine de titres, j'ai râtissé large, du storygame mignon à la boite à outils ultra tactique. Marre.
J'ai de trèèèès bons souvenirs de parties de JDR, mais je suis aigri de voir qu'il ne s'agit que de variations sur le même thème. Et changer de règles ou de joueurs n'y fait rien : le JDR dans son expression la plus commune me semble daté. Périmé.
Puis j'ai découvert l'ancètre des jeux de rôle : le BRAUNSTEIN.
Les jeux Braunstein
Une troupe d'irréductibles darons américains qui se sont identifiés eux-mêmes du courant "BROSR" ont profité d'une pandémie mondiale pour retourner dans leurs vieux bouquins et tenter de capturer l'essence de ce qu'était autrefois D&D. Après un peu d'archéologie rolistique, aidé par le magnifique documentaire "Secrets of Blackmoor", ils s'émeuvent de redécouvrir un jeu que personne ne jouait comme son créateur ne l'avait imaginé : un jeu pensé pour le wargame, mais pas que. Un jeu où l'on pourrait inventer un monde, l'imaginer en détail et utiliser sa matière grise pour tirer son épingle du jeu, plutôt que de gagner par l'application bête et méchante des règles du jeu.
Ils ne jouent plus à des JDR au sens conventionnel, comme expliqué plus haut. Ils jouent à des jeux braunsteins. Fagottés en quelques jours, aussi bancals que le Braunstein originel de David Wesley en 1969, ils s'amusent comme des petits fous. Voilà leur définition :
[Un jeu braunstein] implique plusieurs acteurs, possiblement en conflit, opérant chacun dans un brouillard de guerre.
C'est caramélisé et pétillant, c'est plein de sucre, ça va vous niquer l'estomac tout pareil... mais c'est pas du Coca. C'est plus du JDR !! Non, mieux : le JDR c'était D'ABORD ça, un giga lion viril ultra graou graou, puis c'est devenu le chat d'appartement stérilisé qu'on connait tous. Regardez, on voit les contours de sa crinière :
- Plusieurs acteurs. Bon, ça c'est toujours le cas, en général on kiffe le JDR à plusieurs, entre potes.
- Possiblement en conflit. On fait des gouzis-gouzis à nos joueurs préférés, les drama-kings-and-queens qui adorent faire semblant de pleurer pour invoquer le GRAVITAS d'une scène. Je plaide coupable sur ça, perso, j'ai appris le JDR comme ça, donc j'ai des relents de theater kid.
- Dans un brouillard de guerre. WTF? Est-ce que c'est la prep' du MJ, maintenant, le brouillard de guerre ? Les secrets PJs que l'on a plus du tout envie de jouer depuis l'apparition des storygames parce que "les secrets ouverts cétrobian samédudrama" ?
Bon, je mentirais éhontément en disant qu'il n'y a eu aucune évolution dans le paysage rolistique depuis 20 piges, mais berdol, entre "un jeu narrativiste de journaling où vous réfléchissez sur le thème du pardon et de l'éthéré en écoutant de la lo-fi" et "simuler un monde avec des dragons, des chateaux, des guerres, l'opportunité de créer sa faction, inventer vos propres sorts et tenir une épée intelligente de 3000 ans", j'me dis qu'en terme d'évolution, J'SAIS PAS, p't'être qu'on a merdé à un moment donné, je dis ça comme ça, voilà !
Tout ça pour dire : si y'a des gens qui "aaaaadddooooorrreeeeeent le Jiiiidéééééhaaairrr", si c'est votre passion et tout, si vous désirez découvrir de nouvelles choses, le Braunstein est l'expérience originelle qui a fait émerger notre hobby. Donc go tester ça ! Surtout les amateurs de GN, j'ai l'impression que y'a pas mal de parallèles avec votre pratique (de loin, hein, je fais pas GN, encore une fois, une histoire de caleçon à 22h un soir d'été à rester tranquille chez moi, pas envie de faire le zadiste à manger des sandwiches sur un terrain vague pendant 2 jours).
CROWNSTEIN
J'suis complètement parti en steak, j'essaie de me ressaisir.
Ce mois-ci, je teste mon "battle braunstein".
J'avais déjà testé un one-shot où chaque PJ a joué pendant 72h les factions par PM interposés, puis m'ont communiqué des ordres de bataille, qui ont constitué la prep' d'un one-shot où ils ont ensuite joué d'autres personnages, extérieurs au conflit. Joyeux bordel, c'était sympa, mais je me rodais.
Pour cette fois, on voit le truc plus large :
Le Roi de la Cité-État de Clarine, Thréendus VII est revenu du Labyrinthe blessé, son escouade presque anéantie et sa couronne... disparue dans les tréfonds près de l'Abysse du Cinquième Cercle... Son influence fortement diminuée, les Maisons Majeures de Clarine décident d'utiliser leurs ressources pour se jeter dans le Labyrinthe : la première à ramener la couronne à son régent deviendra légitime à régner sur la Cité-État !
Grosse course à la couronne dans un mégadonjon, un setting explosif entre DanMachi (pour les weebs) et Dune (pour...les nerds?). Le jeu inter-factions est motorisé par le Faction Turn de Worlds Without Number, j'ai donc embarqué 6 joueurs pour tester ce truc. Je leur ai proposé de jouer déjà 4 tours (1 par semaine IRL, donc on teste ça un mois) et si la sauce prend, on relancera un CDD de 4 tours, jusqu'à l'épuisement ou la récupération de la couronne. Si la sauce prend pas, bon, juste j'arrête le JDR, voilà, pas de pression (c'est faux).
Les joueurs sont parqués dans un Discord spécial pour cette expérience, où ils ont les règles à leur disposition, un canal privé avec moi, ainsi qu'un canal pour parler aux autres PJ en roleplay. Ils disposent aussi d'une fiche PJ sur Google Sheets et d'un board interactif sur Roll20 pour avoir une aide visuelle afin de mieux de représenter les unités sur la tableau de jeu. La partie "JDR" va plus ressembler à un jeu de diplomatie qui va se jouer à faible intensité toute la semaine, entre les participants, dans leurs messages privés : à l'heure où j'écris ces lignes, le premier tour vient juste de commencer, et certains décident directement de se proposer pour des alliances.
Je ne contrôle aucun aspect des négociations entre les joueurs et inversément au JDR conventionnel, je ne saurais pas tout des manigances qui se passeront entre joueurs. Ce qui m'importe, c'est qu'à un moment dans la semaine, ils utilisent leur canal privé pour me donner leur action pour ce tour (cette semaine) : bouger des unités, attaquer, acheter du renfort, cacher des unités, etc. Worlds Without Number donne pas mal de pistes pour gérer de manière abstraite une faction, j'ai l'impression d'être armé pour faire les bons calls en partie et faire vivre ce monde dans nos têtes plutôt que de laisser l'intégralité du jeu dicter ce qu'il se passe.
Les Présentations
- Maison Ouranos (Cortex) : un clan martial, utilisant les artefacts du donjon pour créer une armée technomagique puissante.
- Maison Ironhart (Thornn) : les preux défenseurs de la frontière à l'est du royaume, utilisant eux-aussi des machines magiques.
- Maison Kyzeal (Zakyel) : des nobles habitués aux affaires d'espionnage, contrôlant le flux d'information en tenant de nombreuses maisons closes.
- Maison Benitez (JeanDindon) : une famille d'entremetteurs, à la recherche de contrats juteux. Dirigent plusieurs tavernes en ville et allongent l'or sans compter pour arriver à leurs fins.
- Maison Euryale (AnthariaJack) : une école de magie énigmatique qui parle en codes et en poésie, qui rabat les cartes dans l'ombre à l'aide de puissants rituels.
- Maison Incarnat (Meno) : suivants du culte de la Mère-Rouge, ils sont particulièrement appréciés des citoyens de Clarine pour leurs services religieux.
Je posterai sur ce blog mes réflexions sur ce mode de jeu et le déroulé de Crownstein. J'espère vous faire découvrir une manière différente d'aborder le jeu de rôle, et vous donner envie de tester cet amalgame étrange, entre wargame et jeu de dupe.
Une soupe primordiale, dont est issu le hobby que nous adorons tous. Bisou.